Le Brésil est un pays cosmopolite, qui mélange couleurs, religions, orientations, cohabitant globalement correctement. Enfin, cohabitant, ou plutôt habitant.
En effet, pas besoin d'habiter au Brésil depuis 20 ans pour que la fracture sociale et raciale ne nous saute aux yeux. C'est un cas d'école, le bidonville, le quartier huppé, il nous vient déjà en tête l'image de nos manuels scolaires. Malheureusement, c'est trop frappant pour passer à côté. Et sans le vouloir, mais j'aurais pu m'en douter, j'ai assisté à un exemple percutant de ce contraste. J'ai logé pendant quelques jours dans une favela pacifiée de Rio, la Pereirao. Même si le trafic y est toujours visible en fin de soirée, aucun problème et une bonne cohabitation, en l occurrence, entre les quelques voyageurs comme moi et les habitants de la favela. Mais il n'en ressort pas moins que la pauvreté et la drogue y sont palpables. En parallèle, en bon amateur de tennis, j'avais réservé ma place pour le tournoi ATP de Rio, fameux tournoi sur terre battue.
Une après midi donc, je me lève et parcours les ruelles de la favela, spectateur des conditions de vie difficiles au bas mot, pour la quitter et rejoindre le tournoi de tennis. On peut dans un premier temps parler du prix du billet. 30 euros sur la billetterie du site, 100 euros pour ma part à la revente. On constate dès cette information l'élitisme de l'événement. Ajoutez à ça le sport concerné, à savoir le tennis, réservé à une population aisée au Brésil. Autant vous trouverez des terrains de football partout, autant les courts de tennis en libre accès sont quasi inexistants. Et quand on constate ne serait-ce qu'en France un certain élitisme de ce sport à cause justement du manque d'infrastructures à la disposition de la population, je vous laisse imaginer la situation au Brésil, même si c'est une question de culture je peux l'entendre.
Dès l'arrivée aux abords de l'enceinte, on observe un défilé de grosses berlines qui déposent les futurs spectateurs. A l'intérieur, aucun style vestimentaire de rigueur, et pourtant on se croirait à Wimbledon. La quasi totalité des spectateurs tout de blanc vêtus, casquette et vêtements de marque. Ce qui ne devrait être qu'un événement sportif dans lequel les fans viennent encourager leurs joueurs favoris s'apparente plutôt à un congrès m'as tu vu rassemblant les bonnes familles de Rio. Et en un rapide coup d'oeil, on ne peut s'empêcher de faire une corrélation entre l'argent et la couleur de peau. L'échantillon que je peux me faire en un regard a plus des airs de climat tempéré colonialiste que de soleil de Rio.
Et même si je ne peux pas vraiment me permettre de dire quoique ce soit puisque j'ai participé à cette impression, c'est la triste réalité de cette ville et plus globalement de ce pays. Et le passage de Bolsonaro n'y est probablement pas pour rien. Il affichait clairement une politique sociale de droite, niant quelconque lien entre la couleur de peau, notamment, et le statut social. « Dans son étude annuelle, la confédération nationale des Quilombolas (descendants des communautés d esclaves fugitifs) a recensé 16 cas de tels propos tenus par des responsables bolsonaristes en 2019, 42 en 2020 et 36 en 2021. » (propos racistes)
Ce sera un travail de fond, qui va prendre du temps, mais on peut espérer, et là est bien son objectif, que Lula, président récemment institué peu avant mon arrivée, tendra à fondre peu à peu ces inégalités. Il s'est notamment affiché lors de son discours d'institution, aux côtés d'un leader indigène, d'un garçon handicapé et d'un ouvrier métallurgiste. Alors même si il n'y a pas de miracle, puisqu'il a déjà pu faire deux mandats, cette cérémonie résonne comme un symbole d'espoir dans le combat pour l'égalité sociale, dans ce pays marqué depuis longtemps par une fracture qui ne guérit pas.